« Nous prenons soin de nos animaux de compagnie comme s’ils étaient nos propres enfant, nous chassons pour notre plaisir, nous surconsommons de la viande, et, parfois encore, nous portons de la fourrure avec coquetterie. Souffrant de dissonance cognitive, nous passons d’une attitude à l’autre comme si de rien n’était !», nous interpelle Matthieu Ricard dans son livre Plaidoyer pour les animaux. D’après le moine bouddhiste, docteur en génétique cellulaire, si nous avons fait d’énormes progrès de civilisation, il nous reste au moins un grand pas à faire pour corriger ce qu’il nomme une « incohérence morale majeure » et respecter le désir et le droit communs à tous les êtres vivants d’échapper à la souffrance. Car pour lui, comme pour beaucoup d’autres, les animaux sont bel et bien des êtres sensibles et conscients, qu’il est temps de considérer non plus comme inférieurs mais comme nos « concitoyens » sur la Terre. Découvrir leurs extraordinaires perceptions et facultés d’empathie, d’entraide et de guérison nous offre l’occasion de sortir du mythe selon lequel ces vertus seraient le propre de l’Homme. Plonger au cœur de la sagesse animale est aussi une invitation à prendre notre juste place avec humilité dans la grande Toile de la Vie, retrouvant dans le sens du lien notre véritable nature…

Sensibilité et empathie

« Les animaux ne connaissent aucune émotion. Ils sont mus par leur instinct de survie. C’est du moins ce que nous avons appris, et c’est encore ce que l’on peut lire dans un certain nombre de livres. La réalité est tout autre », écrit Elli Radinger. Depuis vingt-cinq ans, cette passionnée des canidés passe la majeure partie de son temps dans le parc national de Yellowstone au Wyoming en observation des loups sauvages. Elle raconte dans son livre La sagesse des loups à quel point la vie de ces animaux est empreinte d’harmonie et d’affection, bien loin de l’image des créatures féroces véhiculée dans l’imaginaire collectif. Les louveteaux sont notamment choyés et protégés par la meute, tout comme les blessés et les aînés sont soignés et nourris. Le comportement des loups face au deuil révèle également leur profonde sensibilité.  « Lorsque l’un des leurs disparait, ils le cherchent, sont désorientés, parfois agressifs, et quand ils découvrent sa mort, ils hurlent leur peine des jours durant. Il arrive aussi qu’un vieux loup se laisser mourir après le décès de sa compagne… »

D’après le célèbre éthologue néerlandais Frans de Waal, de tels exemples d’empathie ne font pas exception. La sensibilité à la souffrance des autres  serait caractéristique de tous les mammifères et découlerait de l’instinct maternel.  Après avoir longuement étudié le phénomène de réconciliation chez les grands singes, il décrit comment celui qui perd un conflit est approché par les autres qui le touchent, le caressent, le prennent dans ses bras et lui font des baisers. Depuis sa ferme éco-touristique au Kenya, Astrid Clavé, vétérinaire, consultante en zooanthropologie et praticienne en communication animale, partage la même conviction quant à l’empathie des animaux tant sauvages que domestiques. « Une année, nous avons accueilli un groupe de visiteurs particulier et tout l’équilibre de notre troupeau de chevaux s’en est trouvé perturbé. Deux frères se sont mis à se disputer violemment, ils se chassaient et se mordaient mutuellement. Les autres membres du troupeau sont venus alternativement les câliner, les toiletter, mettre leur tête sur leur encolure. De véritables comportements de conciliation qui visaient à ramener la paix et à reconsolider leur amitié ! Cela a pris du temps mais ça a marché ! »

Solidarité et coopération

Des lièvres qui lèvent la queue pour avertir d’un danger, des étourneaux qui se rapprochent à la vitesse de l’éclair pour empêcher un faucon de pénétrer dans leur nuée, plusieurs baleines qui soutiennent à la surface de l’eau l’une des leurs blessée, une femelle antilope qui veille sur sa consœur couchée dans le sous-bois pendant la mise bas… : de tels cas d’entraide et de solidarité chez les animaux d’une même espèce sont plus que courants. S’ils sont la norme chez les animaux vivant en  troupeau, ou encore dans les colonies d’insectes, comme celles des abeilles et des fourmis dont chaque membre est prêt à se sacrifier pour l’ensemble, on les retrouve aussi entre des espèces différentes.  Ainsi, les blaireaux et les coyotes entrent souvent en partenariat pour chasser. Les oiseaux pique-bœufs, posés sur le dos des rhinocéros, les avertissent du danger par leurs cris aigus. Des dauphins peuvent sauver des hommes, des babouins adopter le petit orphelin d’un autre singe, et ce jusqu’à risquer leur propre vie.

Ces attitudes empreintes de courage et de générosité remettent en question nos croyances au sujet des « bêtes sauvages », de leur instinct féroce et de la fameuse « loi de la jungle ». « La vie est-elle une rivalité sans merci ? Une lutte des espèces dans laquelle il faut être le plus fort pour survivre ? », se questionne Lynne Mac Taggart dans son livre Le lien quantique. « Pour répondre à ces questions, j’ai interrogé non seulement la physique mais aussi la biologie, l’anthropologie, l’éthologie, la psychologie, etc. et à chaque fois la réponse est non ! L’impulsion première de la nature n’est pas la domination ! Une pulsion élémentaire pour la coopération et le partenariat, plutôt que l’égoïsme et la survie pure, semble intrinsèque à la composition biologique de toutes les choses vivantes. »

Étonnantes perceptions

Les animaux sont dotés de capacités sensorielles particulières qui surpassent largement celles des hommes. A titre d’exemples, certains oiseaux et caméléons voient presque à 360°, les gammes sonores perceptibles par les dauphins peuvent atteindre 200 000 Hertz, et les saumons sont capables de retrouver leur rivière natale après une longue migration dans l’océan. Et que dire des chauves-souris se déplaçant grâce à un sonar extrêmement sophistiqué, des oiseaux migrateurs s’orientant par rapport aux étoiles et des raies identifiant leurs proies par électrolocalisation ?

Au-delà de ces aptitudes inhérentes à la vie quotidienne, de nombreuses études font état des facultés extrasensorielles des animaux, notamment la télépathie et la prémonition. En témoignent les cas de chevaux s’éloignant d’un volcan quelques heures avant son éruption, de vaches refusant de franchir un ravin dans lequel un éboulement va se produire, ou encore les nombreux animaux de compagnie capables de percevoir le décès de leur maître, y compris lorsqu’ils sont éloignés l’un de l’autre. « A l’évidence, l’animal perçoit très clairement l’interruption du champ énergétique chez le décédé, écrit Bernard Baudouin, et de ce fait la rupture du lien télépathique qui le reliait à celui-ci. Tout cela prouve à quel point les animaux échangent incessamment des ondes et des informations non seulement avec leurs congénères mais aussi avec le reste du monde. »


Animaux guérisseurs

Si les animaux sont capables de s’entraider entre eux et de veiller sur leurs blessés, leur rôle guérisseur auprès de l’humain est également de plus en plus reconnu. Parmi toutes ses expériences vécues avec les animaux d’Afrique, Astrid Clavé se souvient du petit daman des arbres qu’elle a recueilli et élevé pendant des années. « Alors que je souffrais d’une pneumonie, il est resté accroché à mon bras pendant trois semaines. Je sentais qu’il me transmettait de l’énergie. Quand il est mort, ce fut très dur pour moi. Une amie me proposa d’appeler l’esprit des éléphants pour qu’il me soutienne. Le soir même, une centaine d’entre eux arrivèrent et se postèrent devant les fenêtres du lodge où j’étais alitée. Le directeur du centre n’avait jamais vu ça ! Leur force, leur sagesse et leur bienveillance m’ont été d’une grande aide. » Bernard Baudouin recense dans son livre Animaux guérisseurs toutes les circonstances dans lesquelles les animaux peuvent effectivement devenir de très bons « médiateurs » thérapeutiques et jouer un rôle majeur dans le traitement d’un grand nombre de pathologies. Ils agiraient essentiellement comme des « rééquilibrateurs émotionnels et vibratoires contribuant au rétablissement d’une harmonie essentielle tant au niveau du corps que de l’esprit ». Quoique encore peu développée en France, la zoothérapie entre chaque année dans de nouveaux hôpitaux, maisons de convalescence, résidences pour personnes âgées, ainsi qu’en milieu scolaire et carcéral.

Nager avec des dauphins, écouter le ronronnement d’un chat, prendre soin d’un cheval, se promener avec un âne, jouer avec un rongeur, ou porter un chiot dans ses bras, engendrerait de nombreux bénéfices, notamment la diminution du stress, l’enrayement du processus d’isolement, la réouverture sur le monde, la stimulation de la confiance en soi et de l’élan vital… Déambulant dans les couloirs des hôpitaux de la région de Dijon, le cheval Peyo a fait beaucoup parler de lui sur les réseaux sociaux. Accompagné par son propriétaire Hassen Bouchakour, fondateur de l’association Les Sabots du Cœur, il fait preuve d’une tendresse déroutante envers les personnes fragiles et les enfants. S’il permet de libérer la parole et les souvenirs, Peyo a accompli aussi d’autres exploits. « Je me souviens d’un monsieur qui s’est levé pour aller le caresser, explique Hassen. Le personnel soignant pleurait d’émotion. En réalité, cet homme n’avait pas marché depuis deux ans ! »

Partage et élévation de conscience

« Oui, les animaux ressentent nos émotions et épongent nos souffrances, ils peuvent nous aider mais ne sont pas là que pour nous, ajoute Astrid Clavé. Et il est important de faire attention à nos actes et à nos pensées pour veiller à leur propre épanouissement. » D’après elle, de par l’urbanisation croissante, la pollution, le conditionnement, le dressage, l’exploitation, le braconnage, beaucoup d’animaux sont comme nous : déconnectés de leur essence première. « Ils perdent alors la connexion avec leur nature profonde, mais aussi certaines aptitudes cognitives. Nous les accusons d’être agressifs, mais ce sont les conditions de vie que nous leur imposons qui doivent être remises en cause. Si la prédation existe dans la nature, la violence gratuite est très rare.» Se plaçant dans un état de « méditation éveillée », Astrid Clavé peut entrer en relation avec la conscience unitaire d’un animal, l’âme d’un groupe ou l’esprit-guide d’une espèce entière, et recevoir ainsi leurs messages sous forme d’images, de ressentis, de perceptions.  « En médecine vétérinaire, on nous apprend qu’il y a un degré d’évolution allant des insectes, en passant par les amphibiens, les reptiles, jusqu’aux mammifères. Mais à force de pratiquer la communication animale, on ne fait plus de différence.  On réalise que tout a une conscience et que chacun de nous, en rouvrant ses perceptions, peut retrouver la connexion avec les autres formes de vie. »

Ses propos rejoignent ceux de Bernard Baudouin pour qui « animaux et humains sont tous des êtres sensibles qui procèdent de la même énergie » ou encore ceux de Matthieu Ricard qui insiste sur « le continuum qui relie l’ensemble des espèces vivantes et la nécessité d’inclure les animaux dans le cercle de notre bienveillance ». Tous ont compris que nous étions fondamentalement reliés et que humanité et animalité n’étaient pas si éloignées que ça. D’après Elli Radinger, la relation que nous pouvons établir avec les animaux sauvages serait à même de guérir notre âme. « Nous avons besoin de telles expériences pour sentir à nouveau ce que c’est que d’être pleinement vivant », écrit-elle. En nous déconnectant de la nature et de notre vraie nature, serions-nous donc passés à côté de l’essentiel ? Le temps semble venu de quitter nos œillères anthropocentriques, d’aller nous balader en forêt et de ressentir à quel point tout ce qui nous entoure – les animaux, mais aussi, les plantes, les arbres, les rivières, les minéraux, et la Terre elle-même – partage avec nous la même histoire, la même essence, le même vide primordial. Retisser ce lien, c’est retrouver le sens de notre chemin.

Article de Claire Eggermont pour Inexploré.

En savoir plus :

  • Plaidoyer pour les animaux, Matthieu Ricard, éd. Pocket, 2015
  • NOUVEAUTE : La sagesse des loups, Elli Radinger, éd. Trédaniel, 2018
  • Sommes-nous trop bêtes pour comprendre l’intelligence des animaux ?, Frans de Waal, éd. Les liens qui libèrent, 2016
  • Les animaux sont ma famille, Astrid Clavé, Edilivre, 2016
  • Animaux guérisseurs, Bernard Baudouin, Rustica éditions, 2016

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