Une source, tarie depuis vingt ans, se remet à couler après avoir été honorée par un rituel de groupe… Une femme dite stérile tombe enceinte après avoir porté un talisman spécialement conçu à cet effet… Un homme se remet à chanter après avoir jeté au feu le symbole du trauma qui lui avait fait perdre la voix des années auparavant… Que se passe-t-il dans l’invisible pour que de tels « petits et grands miracles » soient rendus possibles ? A travers quelles forces de notre esprit et de la nature la magie opère-t-elle ?

D’après l’alchimiste Vincent Lauvergne, le monde de la magie, c’est déjà reconnaître que tout ce qui vit émet une énergie et qu’il est possible de l’utiliser consciemment. C’est aussi accepter la nature de l’être humain au-delà du corps physique. D’après la tradition ésotérique, nous serions effectivement dotés de plusieurs corps, chacun d’eux nous permettant d’entrer en relation avec un monde ou un « plan » différent, du plus dense au plus subtil. « Plus vous prendrez conscience de votre nature psychique ou spirituelle, plus votre conscience s’élargira et vous permettra de percevoir une réalité qui vous était totalement inconnue jusqu’ici mais qui a pourtant toujours été présente », écrit-il dans son livre La magie des égrégores. Pour lui comme pour beaucoup d’autres, c’est à partir du plan astral, dans lequel se trouvent nos corps supérieurs, que se crée tout ce qui se manifeste dans notre monde physique. C’est donc sur ce plan que le mage va opérer s’il souhaite engendrer un changement en lui ou sur son environnement. La magie serait ainsi l’art d’utiliser les ressources cachées de notre esprit et de la nature afin de les concentrer et de les diriger dans le sens précis d’une intention.

Le rituel, un pont entre les mondes

Qu’ils soient conçus pour influer une transformation matérielle ou spirituelle, les rituels auront toujours pour objet de créer un pont entre le monde visible et le monde invisible. En entrant dans l’espace du rituel, le mage quitte son identité profane et s’apprête à servir d’intercesseur entre l’énergie et la matière. Le rituel va alors consister en une sorte de mise en scène destinée à faire passer notre intention consciente à l’inconscient. « Toutes nos structures de croyances sont ancrées dans notre inconscient, nous explique Vincent Lauvergne. C’est lui qui est majoritairement aux commandes de notre vie et si nous voulons changer, c’est donc sur lui qu’il faut agir. » Pour cela, le rituel devra être minutieusement préparé et mettre en scène toute une gamme d’éléments à forte valeur symbolique que l’inconscient, qui ne comprend pas l’analytique, saura décoder. Plus la symbolique sera pointue, plus l’inconscient entendra le message. C’est pourquoi tous les objets présents dans le rituel et toutes les formules ou prières prononcées seront choisis par analogie avec l’intention pour laquelle on opère. Ils auront également une action physique, vibratoire, sur l’environnement. Il s’agit de provoquer une altération des sens, une modification de la perception de la réalité et un passage sur une autre fréquence d’où provoquer des événements qui se répercuteront dans notre réalité ordinaire.  « Les bougies, les encens, les couleurs, les sons, tout cela, ce n’est pas juste pour faire joli. Tout a une raison d’être, reprend Vincent Lauvergne. Une épée par exemple va pouvoir dissoudre des entités cherchant à vous menacer. C’est pour cela qu’elle doit être pointue et coupante. » Idem pour les encens dont les fumées et les parfums auront une action directe et sur l’environnement et sur l’inconscient. Ils ne devront donc pas non plus être choisis par hasard. « Si vous faites un rituel pour l’amour, vous n’allez pas utiliser de l’asa foetida qui est une férule vomitive à l’odeur vraiment désagréable mais plutôt de la rose. Ca ne vous placera pas dans la même vibration ni dans les mêmes émotions ! De même, les couleurs des nappes et des bougies vont aider à saturer votre vision sur une fréquence précise. »

Des aides auxquelles se relier

Pour atteindre son but, le mage ne va pas opérer seul. Certains métaux et minéraux, mais également des plantes, du bois, de la  cire, de l’huile, de l’alcool, etc., appelés en magie « condensateurs fluidiques », serviront à condenser et à diffuser un courant énergétique précis. Ils pourront entrer dans la fabrication de talismans, de dagues et autres objets magiques et aider à les « charger » énergétiquement. Les chamanes aussi, dans leurs rituels, se relient à leurs « alliés » de la nature et notamment aux éléments, s’appuyant tant sur leur aspect matériel et tangible que sur toute leur part énergétique et invisible.  « En faisant un rituel autour d’un feu concret, nous nous relions aussi à l’esprit du feu qui sait transformer en nous ce qui a besoin de l’être. L’eau sera utilisée pour le nettoyage et  la purification, la terre pour ses vertus d’ancrage et de consolidation sous forme d’argile ou de boue par exemple », nous explique Anne Picard.  D’après cette accompagnante chamanique, si les éléments palpables et concrets du rituel sont si important, c’est aussi parce qu’ils impliquent le corps physique qui va pouvoir imprégner dans sa chair et toutes ses cellules la transformation qui se fait dans l’énergie.  « Toute notre évolution passe par des transformations. Dans nos corps subtils, ces changements se font au rythme de notre conscience. Mais le plus difficile reste à les faire accepter par notre corps le plus dense. Les rituels vont aller toucher le corps matière pour lui permettre de voir et de ressentir les forces en œuvre et les potentiels qui s’ouvrent. »

Pour soutenir le travail rituel, des esprits, entités ou divinités pourront également être appelés avec la force de l’intention. « Ils vont œuvrer dans l’invisible pendant que la personne vit dans son corps de façon prégnante et sensible son processus, reprend Anne Picard.  Tous les plans et dimensions s’accordent alors dans une direction commune. C’est ça, la magie et la force des rituels ! ». Dans la tradition magique, le rituel commence en général par « l’appel de forces », une invocation à une divinité et à des entités élevées, choisies en fonction de la sensibilité spirituelle du mage et ayant vocation de protection. Pour Vincent Lauvergne, « ces entités sont en fait des énergies sans forme, laquelle sera donnée exclusivement par notre mental en fonction de nos croyances et de notre culture. Elles viennent renforcer l’énergie déployée. » Des invocations planétaires peuvent entrer en jeu, comme celles détaillées dans le traité de magie médiévale Picatrix. Chaque planète sera ainsi invoquée par rapport à l’énergie qu’elle représente et qu’elle soutient sur le plan vibratoire : Vénus pour l’amour, Mars pour l’affirmation, la Lune pour l’argent, le Soleil pour les arts, etc. Anne Picard, elle, préfère laisser venir les esprits qui le souhaitent plutôt que de déterminer elle-même ceux qui seraient utiles : « Après avoir clairement exprimé mon intention, je m’ouvre et je fais confiance, je m’en remets à plus grand que moi. »

Un art de l’intention

Nous l’avons vu, l’intention est fondamentale pour donner sa direction au rituel. Elle est son fil conducteur, une focalisation de l’esprit sur le résultat précis que l’on cherche à atteindre, mais également son garde-fou. Elle se doit d’être aussi précise que possible. « C’est un appel à l’univers, comme une donnée GPS qui, si elle est suffisamment claire, va nous mener à bon port, ajoute Anne Picard. Même si les mots nous paraissent parfois réducteurs, il est toujours important de la prononcer à voix haute. Car dans l’énergie du son, dans la vibration de la voix, transparaissent tout ce que le cœur et l’âme veulent exprimer. Quand les rituels se font en groupe, focalisés sur la même intention, cela crée un vortex encore plus fort !»  Tout comme Anne, Vincent Lauvergne insiste sur le fait que l’intention doit être personnelle. « Même si c’est pour la guérir, vous n’avez aucun droit de faire quelque chose sans le consentement de la personne. Le respect du libre arbitre est fondamental. »

Arnaud Thuly, passionné d’ésotérisme et fondateur des éditions Alliance magique, insiste sur le fait qu’une bonne intention et une mise en scène bien choisie ne suffiront pas à créer un rituel efficace. Pour obtenir des résultats concrets et opérer sans danger, la pratique de la magie demande selon lui de maîtriser des facultés essentielles et naturelles, que nous avons délaissées avec le temps. Prendre soin de notre corps physique, amplifier notre respiration, accroître et régénérer nos réserves énergétiques, canaliser notre esprit, nous défaire des peurs et des pensées parasites, faire l’expérience du vide mental et éveiller nos perceptions, seraient quelques prérogatives indispensables à la pratique magique.  Car comme il l’indique dans son livre La Voie du mage, « pratiquer la magie, ce n’est pas seulement réaliser des rituels pour obtenir ce que l’on souhaite, c’est aussi procéder à une transformation de soi-même et  parvenir à cette alchimie subtile qui unit le corps et l’esprit pour en faire émerger la quintessence ».

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Qu’est ce qu’un égrégore ?

En appelant des entités, des esprits, des divinités, et en utilisant des symboles particuliers, le mage va se relier à des « égrégores ». D’après Vincent Lauvergne, ce terme définit toute création tirée de la force psychique d’un groupe. Il suffit d’une simple pensée (manifestation énergétique qui se forme dans notre esprit) pour lancer l’impulsion d’un égrégore. Mais pour que celui-ci se forme et perdure, il faudra que cette pensée soit partagée par d’autres personnes et alimentée. Plus l’idée va se matérialiser et se propager sous forme d’écrits, d’images, de sculptures, de chants, de prières, etc. et plus d’autres personnes l’embrasseront, plus l’égrégore sera puissant.

Ainsi, un égrégore est une sorte de réservoir d’énergie commune que chaque membre alimente et qui alimente chaque membre en retour. Inconsciemment, nous sommes tous liés à de nombreux égrégores, à commencer par celui de la famille. Certains nous renforcent, tandis que d’autres nous pompent ! Les rituels initiatiques, lors desquels un initié entre dans un groupe spirituel ou une loge, le lient littéralement à l’égrégore, aux racines et aux croyances de ce groupe.

Dans les rituels de célébration, comme les fêtes religieuses ou païennes, un canal à double sens s’ouvre : les membres renforcent en énergie psychique l’égrégore de leur tradition, et reçoivent en échange un afflux d’énergie. Cela explique les extases ou les guérisons qui peuvent advenir lors de certains rites particuliers, agissant comme des portails inondant les êtres d’une énergie bien supérieure à leur énergie habituelle.

Reportage de Claire Eggermont.
Pour Inexploré n° 41, janv fév mars 2019

En savoir plus :

  • La magie des égrégores, Vincent Lauvergne, éd. Trajectoire, 2017
  • La voie du mage, entraînements préparatoires, Arnaud Thuly, éd. Alliance magique, 2014

Site web de Anne Picard : www.chamanismedecoeur.com

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