Au fil de nos chemins de vie, nous sommes nombreux à avoir été interpellés par les dimensions invisibles à l’œuvre dans notre existence. Les circonstances de certains accidents, la répétition de schémas douloureux, des maladies qui reviennent sans raison apparente, mais aussi la fulgurance de certains rêves, de flashs intuitifs ou d’heureuses synchronicités, nous apparaissent parfois comme autant d’informations « venant d’ailleurs » et frappant à la porte de notre conscience. Et que dire de ces « souvenirs » parfois très précis racontés par nombre d’adultes et par certains enfants à propos de leur « vie d’avant » ? Ou encore de ces blessures que l’on porte au fond de soi comme des réminiscences de la nuit des temps, capables de déclencher des réactions émotionnelles démesurées ? Interrogé au sujet de son nouveau livre Lorsque j’étais quelqu’un d’autre, Stéphane Allix partage : « Vous et moi pouvons tous être traversés par des idées, des pulsions, des impulsions, des inspirations qui semblent venir d’un autre monde. Sont-elles intérieures ou extérieures à nous ? Dans tous les cas, elles résonnent comme des parts inconnues de nous-mêmes qui impactent notre quotidien et nécessitent d’être éclairées. » Pour finir, on ne compte plus les témoignages de personnes prétendant avoir eu accès à d’autres plans de réalité au travers d’abductions, d’EMI, ou d’états expansés de conscience… Pour Franck Lopvet, auteur du livre Un homme debout, « toutes ces expériences nous permettent de réaliser que nous sommes bien plus que ce que nous croyons être. Elles sont les traces tangibles de notre multidimension. »
A la fois exaltant et vertigineux, ce pressentiment de plus en plus répandu quant à la multidimensionalité de notre être et de notre univers est-il une simple vue de l’esprit ou une réalité fondée scientifiquement ? Qu’en disent les physiciens aujourd’hui ? Et comment le vivre harmonieusement au quotidien, sans perdre la tête ni les pieds sur terre ?
Des êtres vibratoires et informationnels
La physique quantique nous éclaire sur le sujet. Se penchant sur l’échelle de l’infiniment petit, celle-ci révèle que les atomes qui composent toute matière sont composés de vide à 99,99%. Notre corps étant fait de milliards d’atomes, nous sommes nous-mêmes « pleins de vide ». Et comme l’explique Denis Bédat, docteur en biophysique, « ce vide n’est pas le vide absolu newtonien, mais il est rempli d’une substance transparente, sorte d’éther relativiste qui relie tout ce qui est. Tout, à ce niveau subatomique, n’est que schéma de probabilités et tous les éléments y sont interconnectés à l’infini ». Dans cette grande mer d’énergie en perpétuel mouvement,ce qui nous donne l’impression d’une matière tangible, c’est le lien qui existe entre les particules subatomiques. « Au même titre que les relations entre les notes font la musique, les relations entre les particules font la matière », reprend le professeur. Les propriétés quantiques de « non-localité » et d’ « inséparabilité » expliquent que deux particules dites « intriquées » (ayant interagi ou ayant une origine commune) se comportent comme un système unique, quelque soit la distance qui les sépare. Si l’on exerce une mesure ou une influence sur l’une, l’autre réagit instantanément, les deux demeurant en lien en-dehors de l’espace-temps. Au final, la physique quantique nous amène donc à concevoir notre monde matériel non plus comme une conjonction de corps inertes, solides et séparés, mais comme un vaste réseau de champs d’énergie mouvants et inter-reliés.
Autre point particulièrement intéressant pour mieux comprendre notre multidimensionalité : le vide apparait comme un support sur lequel toute l’information présente dans l’univers est « mémorisée ». Pour divers chercheurs, notre cerveau serait davantage une antenne réceptrice qu’un lieu de stockage de la mémoire qui, elle, serait délocalisée dans le champ. « En permanence, nos cellules échangent des informations avec le champ, la plupart du temps inconsciemment. L’information y est partagée comme dans un cloud collectif et cela peut expliquer les phénomènes intuitifs et notre capacité à percevoir des choses éloignées dans le temps et l’espace», précise l’astrophysicien Morvan Salez. Denis Bédat ajoute : « Le Pr Cleve Backster a prouvé l’existence d’un champ de bio-communication cellulaire et démontré qu’à travers lui les plantes réagissent à nos intentions. Notre interconnexion avec le champ est donc bien réelle, elle s’étend même à tout ce qui vit, mais nous n’avons simplement pas été éduqués à la cultiver. » Si certains psychiatres pensent que les rêves, visions et intuitions sont entièrement subjectifs et auto-induits par les personnes qui les vivent, Denis, lui, se dit persuadé que nous pouvons les capter de ce champ d’informations extérieur à nous-mêmes, comme savent le faire les chamanes. « Certains chercheurs ont même été jusqu’à avancer que tous les processus cognitifs humains supérieurs résultent d’une interaction avec le champ. Une intuition serait simplement une coalescence soudaine de cohérence dans le champ », confirme la journaliste scientifique Lynn Mac Taggart dans sa remarquable investigation sur le sujet.
Des univers multiples ?
Afin de mieux comprendre nos expériences et sensations de reliance à d’autres mondes, explorons maintenant la notion de multivers qui fait l’objet de diverses théories scientifiques non unanimes. « En essayant de fusionner la relativité générale, la description de l’espace-temps à grande échelle, et le monde de l’infiniment petit, on arrive, par différents moyens, à des théories qui postulent l’existence d’univers parallèles. Même si elles ne sont pas encore unifiées, elles révèlent une intuition grandissante que ces univers existent et que notre espace-temps n’est pas la seule facette du réel », nous explique Morvan Salez. Parmi celles-ci, nous pouvons citer la théorie des cordes selon laquelle certains phénomènes se déploieraient dans d’autres dimensions, imperceptibles pour nous car enroulées sur elles-mêmes à toute petite échelle. La théorie de la gravitation quantique évoque quant à elle des univers imbriqués les uns dans les autres. Selon elle, notre univers serait immergé dans un super espace beaucoup plus vaste qui contiendrait une infinité d’autres univers! « Dans de nombreux témoignages d’abductions, les personnes racontent avoir voyagé dans cet hyper espace, découvert des lieux comprenant plusieurs dimensions et rencontré des êtres vivant sur plusieurs plans simultanément. Leurs descriptions rejoignent étonnamment les théories scientifiques sur le multivers ! Dans tous les cas, cela évoque d’autres dimensions du réel avec lesquelles nous entrons parfois en contact pour des raisons qui nous dépassent ! », reprend Morvan Salez.
Poser l’hypothèse d’un multivers, c’est aussi sortir du dogme du déterminisme temporel selon lequel, connaissant la position et la vitesse de toutes les particules, toute trajectoire dans l’univers devrait être parfaitement déterminée. Le physicien Philippe Guillemant nous éclaire : « La mécanique quantique rejoint la relativité générale pour dire que passé, présent et futur sont simultanés et fonctionnent ensemble. Dans le présent, nous n’avons pas un seul parcours parfaitement déterminé vers le futur mais possiblement une multitude. Certains physiciens prétendent que nous aurions différentes versions de nous-mêmes dans chacun de ces univers parallèles. Moi je suis plutôt d’avis que ces différentes vies nous appartiennent et que nous avons la possibilité de passer d’une ligne à une autre. » Pour ce chercheur au CNRS, notre futur serait déjà réalisé, du moins à l’état potentiel, et c’est notre état de conscience qui le déterminerait. Selon lui, en opérant un retour sur soi, et en se reliant intérieurement à qui nous sommes profondément, nous pouvons nous connecter à une partie de nous-mêmes localisée dans des dimensions supplémentaires de l’espace, sorte de sur-couche de l’espace-temps, et récupérer des informations sur notre futur. « Dans le multivers de possibilités, ce sont les variables pour lesquelles nous aurons investi le plus de désir, de rêve, d’attention qui recevront le plus grand potentiel de manifestation », précise-t-il.
Où s’arrêtent nos frontières ?
Alors, que penser de ces mémoires qui semblent se dire et parfois se répéter dans nos schémas de vie ou dans notre corps ? Finalement d’où viennent-elles ? D’une vie passée, future, parallèle ? Pour le psycho-praticien Stéphane Drouet, cette question est une aberration au niveau quantique. « Nous sommes des mémoires atemporelles, intelligentes, dynamiques (remises à jour en permanence) et reliées les unes les autres par les lois de l’intrication. On ne peut donc pas dire qu’il y ait de l’antérieur ou du postérieur. Toutes nos dimensions interagissent simultanément. » Son point de vue corrobore avec le témoignage de Stéphane Allix. Après avoir ramené à sa mémoire des informations précises sur la vie d’un soldat allemand pendant la Seconde Guerre mondiale, il se questionne : « Réincarnation ? Vie parallèle ? Je m’abstiens de conclure. Alexander est mort en 1941, c’est donc évident que sa vie s’est déroulée « avant » la mienne, et pourtant, d’une certaine façon, son énergie continue d’être vivante, agissante. Plutôt que de trancher sur ce débat terminologique, je préfère m’intéresser à la relation qui existe entre ces mémoires et ma vie actuelle et chercher comment mettre en lumière et pacifier ce qui a besoin de l’être. » Au terme de son enquête, Stéphane finit par concevoir notre corps comme le point de rencontres d’histoires familiales, transgénérationnelles, karmiques, spirituelles. « Les frontières de notre individu sont une forme d’illusion, poursuit-il. Nous sommes façonnés par mille influences extérieures et notre chemin de guérison rejaillit sur le Tout. » Cette interconnexion quantique n’est pas sans rappeler la figuration celte très ancienne de l’entrelac, aussi dénommé « lacs d’amour », représentant la vibration primordiale de l’univers, l’enchevêtrement sans fin des faits cosmiques et humains… Finalement, où sont les limites entre soi et les autres, entre notre être, notre vie et le reste du monde ?
Accepter le mystère
Au vu des considérations ci-dessus, le réel, notre « je » et notre terrain de jeu, semblent beaucoup plus riches que ce que l’on a tendance à imaginer. « En élargissant notre perspective, qu’est-ce qui nous empêche de penser que la conscience n’émane pas d’un phénomène beaucoup plus vaste venu s’incarner dans une infinité d’expériences ? », nous interpelle Morvan Salez. En prendre conscience peut donner le vertige et ouvrir nos canaux d’accès à ces autres réalités peut s’avérer fort déstabilisant. Alors comment vivre notre multidimensionalité au quotidien ? « Selon moi, il ne faut pas se perdre à essayer de tout comprendre et de tout démêler. Savoir d’où ça vient n’est pas important ; de toute façon, tout repart dans le pot commun. L’important, c’est ce qui nous parle intérieurement et de quelle façon ça nous fait évoluer », poursuit Morvan. Pour Franck Lopvet, le but de notre vie n’est pas de régler les choses d’un quelconque passé ou karma. « Le terme de multidimension tente d’expliquer l’inexplicable. Nous sommes une sorte d’entité divine qui s’explose en un seul instant en de milliers de parties différentes qui vont toutes ses charger d’une part d’une gigantesque équation. Ma prérogative d’humain n’est pas de résoudre l’équation avec ses multiples inconnues mais d’incarner l’inconnu que je suis, en vivant ma vie et en acceptant de ressentir ce qui me traverse. »
En vertu des lois quantiques qui postulent que rien n’existe sans la conscience qui observe et que observateur et objet observé sont donc fondamentalement liés, ce que nous verrions du monde et des autres ne serait que des reflets ou des projections de nous-mêmes. Pourtant, dans notre quotidien, l’autre apparait bien comme séparé de nous-mêmes, tout comme notre passé semble bien révolu. « Le plan est à la fois linéaire et simultané, nous précise Franck. C’est cette dichotomie à laquelle il faut s’habituer. Plus on accepte cette gymnastique, plus on accepte le mystère et plus on peut vivre la spontanéité de l’enfant. » Les conseils de Stéphane Drouet vont aussi dans ce sens. Pour lui, la puissance divine de l’être humain est justement logée dans notre inconscient. « On essaie de nous faire croire qu’il faut gagner en conscience, nous dit-il. Pour moi, c’est une croyance erronée. Regardez toutes les prises de conscience que vous avez eues depuis 10 ans : êtes-vous capables de toutes les citer ? Non. Par contre, l’inconscient les a stockées. Et ce faisant, il devient de plus en plus dense et puissant. C’est en s’abandonnant dans le non-savoir que l’on peut accéder à des couches toujours plus subtiles de la multidimension et nous enrichir d’informations toujours plus fines pour soutenir notre évolution. » Dans le même ordre d’idées, selon Isabelle Padovani, les innombrables facettes de notre être nous permettent, au cœur de notre humanité, de découvrir notre divinité et, au cœur de notre fragilité et de notre séparation, la force infinie capable de tout étreindre. Comme elle le dit dans l’une de ses conférences, « la conscience est venue sur terre pour se goûter dans la diversité de ses aspects. Notre nature humaine est simultanément limitée et incandescente de divinité. »
Article de Claire Eggermont, pour Inexploré.
En savoir plus :
- Lorsque j’étais quelqu’un d’autre, Stéphane Allix, Mama éditions
- Un homme debout, Franck Lopvet, éd. Atlantes
- La route du temps, Philippe Guillemant, éd. Le temps présent