Témoignage de la ferme du Bec Hellouin

La démarche permaculturelle de la ferme du Bec Hellouin en Normandie prouve qu’il est possible de produire en abondance des fruits et légumes de qualité en recréant des agro-écosystèmes aussi naturels, fertiles et pérennes que possible. Véritables oasis de vie, leurs vergers-marîchers offrent une production par unité de surface plusieurs fois supérieure à la moyenne nationale.

 « L’arbre est le pivot de notre ferme. Le premier acte que l’on a fait a été de planter 500 fruitiers et depuis, on en ajoute chaque année. » Forêt-nourricière à l’ouest protégeant du vent deux îles-jardins, cultures sur buttes, vergers-maraîchers, pré-vergers, etc. : les aménagements expérimentés par Perrine et Charles Hervé-Gruyer sur 16 ha sont variés et interagissent harmonieusement. Environ 800 végétaux différents sont cultivés sur la ferme. Alors que l’agroforesterie européenne a toujours été pratiquée sur deux niveaux (arbres et cultures, ou arbres et animaux), en permaculture, l’idée est de favoriser des systèmes multi-étagés afin d’optimiser chaque rayon de soleil et de tirer parti des échanges vertueux qui s’opèrent. Le premier étage est composé d’arbres fruitiers, le second de petits fruits, le troisième de légumes et plantes aromatiques. Un étagement vertical est aussi encouragé avec les plantes grimpantes. « Même dans notre serre, les légumes sont cultivés sous la vigne. On récolte à tous les niveaux, avec quasiment aucun travail du sol et aucun apport en eau à l’extérieur. La productivité sur de petites surfaces est donc maximale.»

Ce système sous-entend de faire évoluer les aménagements avec le temps, les cultures sous les arbres bénéficiant d’un maximum de soleil au début et de plus en plus d’ombre par la suite. Les légumes seront donc remplacés par des petits fruits et au bout de quelques décennies, les animaux pourront paître en liberté sous les grands arbres.

« L’effort de mise en place a été grand : on a travaillé la terre en traction animale, creusé plus de vingt mares, planté les arbres, créé les buttes. Mais aujourd’hui, la quantité de travail est largement amoindrie. Le système s’auto-régule et la vie explose ! » Gauthier Chapelle, naturaliste biomiméticien, a pu observer en seulement deux jours à la ferme du Bec Hellouin tous les oiseaux nicheurs théoriques de la région, ainsi que la présence en abondance de certains coléoptères et libellules attestant de la qualité écologique du milieu, « le tout sur une exploitation agricole viable, ce qui est étonnant ! »

Pour Charles et Perrine, refonder l’agriculture sur les arbres est possible et pourrait résoudre bien des problématiques. « L’agriculture conventionnelle perdure dans une illusion de productivité. Pour produire 1 calorie alimentaire, il en faut 10 d’énergie fossile. Il est grand temps d’évoluer ! Cela passe également par un questionnement sur notre alimentation. On mange aujourd’hui énormément de plantes annuelles alors que 98 % des plantes sauvages sont vivaces. Un hectare de châtaignier donne autant de protéines végétales qu’un hectare de blé tout en étant beaucoup moins exigeant pour la planète. Ça fait réfléchir !»

Par Claire Eggermont
Article paru dans Terre & Humanisme n°84, hiver 2014

Plus d’infos sur : www.fermedubec.com

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